22 décembre 2013
Programme
Ce fut aux XVIIe et XVIIIe siècles un mot de collège et de collégien. Richelet (1680) et Furetière (1690) le définissent respectivement ainsi : « Mot qui vient du grec et qui se dit en parlant des actions publiques des collèges : c’est un écrit qu’on affiche quelquefois et qu’on distribue d’ordinaire, et qui contient le sujet de l’action, les noms de ceux qui la représentent, etc. » et « terme de collège : c’est un billet ou mémoire qu’on affiche, qu’on donne à la main, qui invite à quelque harangue ou cérémonie de collège, et qui en contient à peu prés le sujet, ou ce qui est nécessaire pour l’entendre » (exemple : « les gens de collège envoient des programmes pour assister à leurs déclamations et à leurs tragédies »).
En bref, ce qui demeure de ce premier sens, c’est l’emploi que l’on peut faire de programme au théâtre, au cinéma, au concert ou à l’opéra : titre de la pièce ou du film ou de la symphonie qui vont être joués dans la salle idoine ; nom de l’auteur ; distribution ; etc. Entendu ainsi, un programme annonce avec des phrases ce qui va avoir une réalité sensible sur une scène ou un écran et entre les mots et les choses, il n’y a pas de « jeu » : les mots sont adéquats aux choses et le programme se réalise comme prévu.
Deux siècles plus tard, programme a quitté l’école pour envahir la politique. Littré (Dictionnaire de la langue française, 1863-77) est le premier lexicographe qui note cette extension de domaine ou ce débordement de sens : « Écrit qu’on affiche et qu’on distribue pour exposer le détail d’une fête publique, les conditions d’un concours, etc. ; il se dit aussi de l’annonce qui contient le sommaire d’un cours » et « (au figuré) indication générale d’une politique, d’une doctrine ». Dans le premier emploi, les mots sont ajustés aux choses ; dans le second, ils sont devenus nomades, comme des électrons libres, de sorte que la politique réellement menée n’a plus de rapport avec le programme qui l’annonçait. En passant des collèges à la politique, les programmes se sont faits des vecteurs de mensonge ou de tromperie. Mais comme dirait l’autre, les programmes n’engagent que les gogos qui les lisent.
Comme l’école en France a été absorbée par la politique, dont elle n’est plus qu’un appendice, les célèbres programmes scolaires sont à l’image de leurs aînés et de leurs modèles, les programmes politiques : trompeurs, faux (en partie ou en totalité), destinés à abuser plutôt qu’à émanciper ou à abêtir plutôt qu’à éclairer.
10:35 Publié dans Chroniques de la Restauration, Dictionnaire critique de la NLF, Mythologies intellotes, Signes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : politique, france, société
Commentaires
puis l'évolution , création d'un rejeton =
PROGRAMMATIQUE
loi programmatique , programme programmatique etc..
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Mots 27 décembre 2013
http://decadence-europa.over-blog.com/2013/12/mots-decembre-2013.html
Écrit par : Amédée | 27 décembre 2013
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